Ce 10 avril 2024, l’Europe a adopté le pacte asile et migration. Preuve encore que ce pacte illustre le résultat d’un compromis à l’européenne -comme à son habitude-, il n’a pas été applaudi. Pour le consensus, les députés européens se sont abstenus ou ont voté pour l’adoption d’un accord qui s’inscrit dans la continuité d’une décennie de politiques qui ont conduit à la prolifération des violations des droits en Europe. Un accord qui accepte le profilage racial et les revers, dans une attaque potentiellement irréversible si aucun rétropédalage n’est envisagé, contre le système international de protection des réfugiés et l'État de droit.
Dans l’ensemble, les règlements introduiront un nouveau système de« gestion des migrations » dans l’UE, caractérisé par :
Le maintien du principe du premier pays d’entrée étant le responsable de la demande d’asile est maintenu, il n’y aura pas de relocalisation obligatoire des personnes sauvées. Les États membres sans frontières extérieures de l’UE peuvent éviter le partage des responsabilités en finançant la fortification des frontières dans les États membres frontaliers ou en finançant des activités criminelles et des violations systématiques des droits de l'homme en Lybie et en Tunisie notamment. Ce sera sans aucun doute le cas pour la Pologne et laHongrie, qui ont mis un point d’honneur à aller à l’encontre d’un principe de répartition égale et juste, entre États membres d’une communauté européenne qui devrait être solidaire et unie, ou ne pas être.
La détention de facto aux frontières sans aucune exemption pour des familles avec enfants de tous âges, des procédures accélérées et inférieures aux normes pour évaluer les demandes d’asile plutôt que des évaluations complètes et équitables, et l’accent mis sur les procédures de retour avec des garanties réduites. Ces actes d’inhumanité se feront en partie à travers le maintien du concept dangereux de « pays tiers sûrs » permettant aux États membres de renvoyer les demandeurs d'asile malgré le risque de violations des droits de l'homme. De fait, les demandeurs d'asile pourraient être envoyés dans des pays tels que la Tunisie, même si le gouvernement soutenait les expulsions violentes et collectives de migrants d'Afrique subsaharienne vers la Libye et l'Algérie.
Ce nouveau système de gestion des migrants impliquera logiquement une hausse de demandeurs d’asile dans des procédures frontalières qui, en raison de la fiction juridique de non-entrée, se verront bafouer leurs droits. Bien qu’hypothétique, l’arrivée de ce scénario est d’une évidence criante.
Des technologies de surveillance seront déployées aux frontières et dans les centres de détention, des données personnelles des migrants seront collectées en masse et échangées entre les forces de police à travers l’UE, avec dans le même temps des systèmes d’identification biométriques qui seront utilisés pour suivre les mouvements des personnes et pour renforcer le contrôle des migrants sans papier.
Ce nouveau pacte n’est en aucun cas une solution viable et humaine, tant pour les États membres, notamment ceux en première ligne, que pour les milliers de migrants risquant leur vie. La régulation migratoire et la sécurisation de notre frontière est une évidence à laquelle il faut faire face. Il le faut toutefois dans une démarche digne et humaine, à l’image de ce que devrait représenter le modèle européen.
Bien qu’il nous semble évident que l’application de ce pacte n’aboutira qu’à l’élaboration d’un nouveau, il est encore temps de faire machine arrière avant que des milliers d’innocents en soient victimes et que l’ouverture à violation des droits humains se retrouve sans limite.
Les élections européennes peuvent illustrer l’espoir d’une nouvelle idéologie, loin du consensus à tout prix et surtout à celui des droits humains.
Nos consignes de vote seront divulguées mi-mai.
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