L’école publique suscite de plus en plus de réserves de la part de nombreux parents, qui lui préfèrent l’enseignement privé, souvent perçu comme garant d’un niveau académique plus exigeant. En témoignent de nombreux parents, à l’image de cet avis : "C'est cadré, les profs sont toujours là, c'est toujours remplacé. Il y a un soutien aussi scolaire après l'école qui est fait par les parents et le niveau est bon".
Confrontée à des défis structurels majeurs – vétusté des infrastructures, diminution des effectifs enseignants, crise de vocation – l’école publique est de plus en plus perçue comme en difficulté. Cette situation alimente une certaine nostalgie du système scolaire d’antan, faisant ressurgir l’adage bien connu : « C’était mieux avant. »
Mais cette vision traduit-elle une réelle régression du système éducatif ou n’est-elle que le reflet d’une école en pleine transformation, cherchant à s’adapter aux mutations profondes de notre société?
Doctorant de Droit public, professeur de Droit
" Force est de constater que le nivellement par le bas a profondément transformé notre système éducatif. "
Force est de constater que l’actuel nivellement par le bas a profondément transformé notre système éducatif. La volonté d’accorder le baccalauréat au plus grand nombre et de démocratiser l’accès aux études supérieures a progressivement vidé ces diplômes de leur substance. Le master tend désormais à devenir une norme, non plus un gage d’excellence, mais un simple prolongement scolaire dont la valeur réelle s’est érodée. Cette massification a conduit à un paradoxe : nombre de jeunes se retrouvent dans des filières universitaires qui ne correspondent ni à leurs aptitudes ni à leurs aspirations profondes, alors qu’ils auraient davantage prospéré dans des cursus professionnels adaptés à leurs compétences.
Cette dérive s’explique en partie par le discrédit jeté sur les métiers manuels, relégués au rang de voies de garage pour élèves en difficulté. Longtemps perçues comme des professions de second rang, ces carrières ont été dévalorisées au profit d’un idéal universitaire souvent inadapté à la diversité des talents. Résultat : une pénurie criante de main-d’œuvre qualifiée dans les secteurs artisanaux et industriels, pourtant essentiels à notre économie.
À cela s’ajoute une idéologie omniprésente qui, sous couvert d’inclusivité et de bienveillance, a contribué à une dégradation du niveau général. L’orthographe vacille, la motivation décline, mais la réponse institutionnelle reste inchangée : plutôt que d’exiger l’effort et la rigueur, l’État privilégie une approche déresponsabilisante, où toute sanction ferme est perçue comme une atteinte à l’égalité républicaine. L’accompagnement prime sur l’exigence, mais devient illusoire face à des élèves réfractaires au travail. Pire encore, les enseignants se heurtent à un manque criant de soutien de la part de leur hiérarchie, les privant de l’autorité nécessaire à leur mission.
Ainsi, à force d’avoir renoncé à imposer un socle de connaissances fondamentales et à affirmer la légitimité du professeur, l’institution scolaire s’est fragilisée. La France en paie aujourd’hui le prix, sacrifiant l’excellence sur l’autel d’une égalité illusoire.
Président d'Ultimatum, collaborateur parlementaire
" Plutôt que de rejeter la faute sur une prétendue massification de l’éducation ou un relâchement général du niveau, il faut interroger les véritables causes du déclin perçu de notre système éducatif. "
L’école d’hier était surtout différente. Le socle de connaissances semblait effectivement plus solide, et les exigences académiques plus élevées. Mais plutôt que de rejeter la faute sur une prétendue « massification » de l’éducation ou un relâchement général du niveau, il faut interroger les véritables causes du déclin perçu de notre système éducatif.
L’institution scolaire tarde à s’adapter aux nouvelles formes d’apprentissage. Trop souvent, le corps professoral demeure attaché à des méthodes traditionnelles, apprises pendant leur cycle de formation mais parfois peu adaptées aux besoins des élèves aujourd’hui. Pourtant, de nouvelles approches pédagogiques existent, favorisant l’interaction, l’autonomie et la compréhension plutôt que la simple récitation mécanique du savoir. En témoigne la pédagogie inversée. Mais faute d’une formation continue efficace et d’un véritable accompagnement dans cette transition, ces méthodes restent sous-exploitées. La faute de l’État ou de celle des enseignants ? La responsabilité est partagée.
Également, la place grandissante du divertissement dans nos sociétés joue un rôle majeur. Les écrans, l’usage disproportionné des réseaux sociaux et la nécessité quasi maladive de surconsommer immédiatement des informations – tant utiles qu’inutiles -détournent les élèves de l’effort intellectuel prolongé. L’apprentissage requiert du temps, de la concentration et de la persévérance, des qualités mises à mal par un monde où l’instantanéité prime et mène à des baisses d’attention, des difficultés à s’endormir, à se concentrer, à mémoriser.L’école se retrouve en concurrence avec ces nouveaux modes d’attention, sans toujours réussir à capter l’intérêt des élèves.
Par ailleurs, l’accès au savoir demeure profondément inégalitaire. Si l’école se veut républicaine et égalitaire, la réalité est tout autre : les classes préparatoires, les écoles privées et les dispositifs de soutien profitent à ceux qui en ont les moyens, creusant un fossé entre les élèves issus de milieux favorisés et ceux des classes populaires. L’égalité des chances reste un idéal, mais les conditions d’apprentissage et la logique de curiosité, qui doit être inculquées dès le plus jeune âge, varient considérablement d’un élève à l’autre, compromettant leur réussite.
Enfin, le rôle des parents dans l’éducation de leurs enfants a évolué. Jadis perçus comme des alliés de l’école, nombre d’entre eux peinent aujourd’hui à encadrer et soutenir scolairement leurs enfants. Non par manque de volonté, mais souvent par manque de temps, de ressources ou d’énergie, notamment dans les milieux les plus précaires. L’autorité parentale, affaiblie par des conditions de vie difficiles notamment, ne joue plus toujours son rôle de relais éducatif. Or, sans cadre familial structurant, l’école ne peut compenser à elle seule ces lacunes. Il n’en revient pas de sa responsabilité.
De facto, si le niveau scolaire semble s’effriter, ce n’est pas tant parce que l’école d’aujourd’hui serait intrinsèquement moins exigeante, mais entre autres, parce que les méthodes d’apprentissage n’évoluent pas toujours avec leur temps.
Plutôt que de regretter un passé révolu, il serait plus pertinent d’adapter l’éducation aux défis contemporains : réinventer les méthodes pédagogiques, redonner du sens à l’effort, lutter contre les inégalités scolaires et renforcer le rôle des familles. C’est en repensant notre rapport à l’apprentissage que l’on pourra redonner à l’école sa pleine légitimité.
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