Le budget Outre-mer constitue un pilier essentiel de la politique publique française pour répondre aux besoins spécifiques des territoires ultramarins. Ces espaces, à la fois riches de leur diversité culturelle et confrontés à des défis socio-économiques majeurs, bénéficient d’un soutien budgétaire ciblé. Les DOM (départements d’outre-mer) comme la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte, tout autant que les COM (collectivités d’outre-mer) telles que Saint-Martin ou la Polynésie française, sont au cœur de cette solidarité nationale.
Inscrit dans la loi de finances votée chaque année, le budget de la mission Outre-mer repose sur deux axes majeurs :
Le programme 138 : Emploi, insertion économique et cohésion sociale
Objectif principal : réduire les inégalités sociales en encourageant l’emploi et l’intégration économique.
Actions concrètes : aides à l’emploi local, soutien à la formation professionnelle et dispositifs pour le logement social.
Le programme 123 : Conditions de vie outre-mer
Ambition : améliorer le quotidien des habitants en développant les infrastructures essentielles (transports, énergie, éducation, santé, accès à l’eau potable).
Exemples : financement de projets de modernisation des réseaux d’énergie et construction d’équipements publics.
En 2024, les autorisations d’engagement s’élèvent à 2,904 Milliards d’euros, tandis que les crédits de paiement atteignent 2,658 Milliards d’euros, soit une progression de
6,8 % et 4,5 % respectivement par rapport à 2023.
Cette augmentation répond à plusieurs priorités :
Accélération des politiques sociales : réduction des inégalités et lutte contre la précarité.
Soutien aux infrastructures : modernisation des équipements pour assurer un développement durable.
Insertion économique : investissements pour créer des emplois dans des régions où le chômage demeure endémique.
Mayotte, département français depuis 2011, reste le symbole des défis structurels ultramarins. Les indicateurs socio-économiques sont alarmants :
PIB par habitant : 11 579 euros (2022), contre une moyenne nationale de 38 775 euros.
Pauvreté : près de 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (2017).
Pour 2024, un effort budgétaire exceptionnel a été annoncé. 100 millions d’euros pour des infrastructures prioritaires (routes, accès à l’eau potable, écoles). En parallèle,
les dotations de fonctionnement atteignent 34 millions d’euros. Malgré ces moyens, la question des retards structurels persiste. Mayotte concentre des besoins immédiats en matière de logement, de santé et d’éducation.
L’ensemble des territoires ultramarins partage des défis communs :
Chômage élevé : des taux souvent deux à trois fois supérieurs à ceux de la métropole.
Inflation et coûts de la vie : les produits de base sont importés et donc plus onéreux.
Déficit d’infrastructures : des réseaux hospitaliers, éducatifs et de transport encore insuffisants.
Des normes paracycloniques encore insuffisantes. L’État aurait pu engager un vaste chantier d’adaptation aux risques naturels. Ça n’a pas été le cas. Dans un rapport parlementaire publié au mois de mai et consacré précisément à la « gestion des risques naturels majeurs » en Outre-mer, Mansour Kamardine (ancien député de Mayotte) et Guillaume Vuilletet constataient que l’application des normes paracycloniques « demeure encore embryonnaire » dans la plupart des territoires ultramarins. À Mayotte, seules sept communes sur dix-sept sont couvertes par un Plan de Prévention des Risques Naturels (PPRN).
La destruction des bidonvilles sans relogement. Plutôt que de prévenir, les gouvernements successifs ont opté pour la manière forte : la destruction des bidonvilles, sans pour autant proposer des solutions de relogement adaptées aux habitants, souvent en situation irrégulière. « Le délogement sans relogement est une politique assumée », souligne dans ses travaux le chercheur Cyrille Hanappe. En 2023, la préfecture a ainsi procédé à la destruction de 738 cases en tôle (près de deux fois moins qu’en 2021), mais n’a proposé un nouvel hébergement qu’à 121 familles, soit environ 512 personnes. Les autres se sont retrouvées sans solution durable. « La plupart du temps, elles ne vont pas loin, et se réfugient dans des zones encore plus dangereuses, à l’abri des regards », indique une travailleuse sociale ayant requis l’anonymat. Pour elle, tout cela revient à « vider la mer avec une petite cuillère ».
La gestion des risques naturels à Mayotte s’inscrit dans une incapacité plus globale à anticiper des situations pourtant prévisibles. Lors de la crise de l’eau qui a touché l’île en 2023, la pénurie d’eau potable avait conduit à des mesures drastiques. La coordinatrice du collectif « Mayotte a soif », Racha Mousdikoudine, avait alors dénoncé « les politiques qui n’ont pas anticipé une situation connue de longue date ».
Des causes structurelles bien identifiées. Comme pour les risques naturels, le scénario d’une telle crise était connu et ses causes bien identifiées : eaux polluées dues à des infrastructures insuffisantes; déforestation massive; réseau vétuste et mal entretenu; consommation en forte hausse liée à l’accroissement démographique et au développement économique.
Cette pénurie a révélé « des années de manquements, d’impréparation, de sous-équipement et d’anticipation », avait dénoncé dans Le Monde le député européen de La France Insoumise Younous Omarjee.
Le cyclone Chido : une illustration dramatique. Un an après la crise de l’eau, les ravages causés par le cyclone Chido constituent une nouvelle illustration dramatique des défis structurels que rencontre Mayotte. Ce territoire, pourtant sous pression depuis des années, peine à obtenir des réponses adaptées face à des risques pourtant prévisibles.
Il apparait nécessaire de renforcer la solidarité nationale.
Le budget Outre-mer incarne la volonté de l’État de réduire les fractures entre la Métropole et les territoires ultramarins. Toutefois, les hausses budgétaires récentes, bien qu’importantes, demeurent en deçà des besoins immenses, notamment à Mayotte, où la situation dramatique demande des moyens conséquents pour reconstruire convenablement l'archipel, dans un temps limité, à l'instar de Notre-Dame. Des moyens financiers et des moyens humains, qui doivent être mobilisés pour que l’archipel puisse renaitre sur des bases solides : des infrastructures et logements adaptés, des droits sociaux égalitaires, une sécurité effective et affirmée, une jeunesse accompagnée.
Le défi majeur reste la capacité à transformer ces efforts financiers en améliorations tangibles pour les populations concernées.
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