« Je veux que d’ici cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique. » Emmanuel Macron, dans son discours devant l’université Ki-Zerbo de Ouagadougou.
En mars 2018, le Président de la République a confié la rédaction d’un rapport à Felwine Sarr, écrivain et économiste sénégalais, et Bénédicte Savoy, historienne de l’art française. Ce rapport, intitulé «Restituer le patrimoine africain : vers une nouvelle éthique relationnelle », remis le 23 novembre2018, a offert un nouvel éclairage sur les circonstances des « captations patrimoniales » et sur la spécificité du patrimoine africain, esquissant des propositions pour la mise en œuvre des processus de restitutions. Selon Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, « restituer le patrimoine africain en Afrique refondra une relation entre la France et les États africains, adossée notamment à l’écriture d’une histoire partagée ».
Pour mettre en œuvre l'engagement présidentiel de 2017, Rachida Dati, reprenant un dossier entamé par Rima Abdul-Malak, espérait soumettre au Sénat début avril un texte charnière : un projet de loi-cadre permettant de déroger au principe d'inaliénabilité des collections publiques par décret.C’est en partie ce principe qui fait débat, supposant qu’à chaque sortie de pièce, une loi d’exception soit débattue à l’Assemblée nationale et au sénat. Une loi cadre est de fait nécessaire pour accélérer le mouvement. Une loi spécifique de ce type a par exemple été adoptée quand le gouvernement a répondu favorablement à une demande de restitution de 26 œuvres au Bénin en 2020. La seule restitution depuis 2017, quand des pays comme la Belgique les multiplie. Au moins 90.000 objets d'art d'Afrique subsaharienne se trouvent actuellement dans les collections publiques en France.
Le texte prévoit que les restitutions soient soumises à de nombreux critères, notamment que la demande émane d’un État, que l’acquisition doit avoir été illégale ou illégitime et que l’État requérant doit s’engager à présenter ces biens au public.
L'avis du Conseil d'Etat (CE) va encore plus loin. Tout en rendant un avis favorable, le CE a estimé que la restitution de biens issus de legs et de donations devait être justifiée par un «intérêt général supérieur» semblable à celui identifié s'agissant des biens spoliés par les nazis. Selon Le Monde, l'objectif du texte de renforcer la coopération culturelle avec les anciennes colonies ne serait donc pas suffisant aux yeux du CE pour justifier une entorse à l'inaliénabilité des collections publiques.
Ce que semble dire cet avis in fine, c'est qu’il incombe au gouvernement d’établir le caractère illicite des spoliations pendant la colonisation.
La restitution poserait également problème d’un point de vue technique. Comment exposer des objets dans des pays ne disposant parfois pas de musées adéquats ou en situation de guerre ? Ont-ils le savoir-faire pour les conserver ? Les œuvres seront-elles accessibles ? etc.
Dès que la provenance d’un pays colonisé par la France est établie sur une œuvre, celle-ci doit être rendue. Même si à l’époque, certains objets ont été donnés, le contexte colonial était celui du rapport de force disproportionné entre le colonisateur et le colonisé. Les acquisitions se sont faites dans un climat de violence. La charge de la preuve doit être inversée, c’est aux musées occidentaux de prouver que tel bien a été acquis convenablement.
Les pays africains, souverains, ne devraient avoir aucune justification à avancer quant à la restitution des biens issus de leur peuple, que ce soit dans l’utilisation ou dans le traitement qu’ils en feront ni même quant au refus du semblant d’universalisme prôné par nos musées occidentaux, où un faible nombre d’africains dispose de moyens pour s’y rendre et découvrir leur histoire.
Le respect de propriétés historiques et culturelles de ces pays, c’est le respect de leur souveraineté. Il faut être juste. C’est aussi à travers cette reconnaissance et la restitution de ce patrimoine artistique et culturel que les pays africains parviendront à se développer davantage et indépendamment d’autres puissances. C’est aussi cette reconnaissance qui permettra à la jeunesse africaine de s’éduquer davantage en y implémentant l’art et la culture publique et historique. Nous sommes bien placés en France pour constater que l’accès aux œuvres dans les musées est l’un des outils les plus démocratique pour cela.
In fine, il n’est pas question de ne plus exposer ces œuvres. Elles doivent continuer de vivre à Dakar et Niamey, comme à Paris et à Berlin. Toutefois, sur le territoire africain comme sur le territoire français, cette présence doit être le résultat d’une véritable politique de coopération patrimoniale, permettant toutes les formes de circulation des œuvres : expositions, échanges, prêts, dépôts, coopérations, etc. Cette politique ne se fera pas sans respecter le droit de propriété du pays d’origine de ces œuvres et donc selon leur volonté.
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